Le décret tertiaire : Définition et explication

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Le Décret Tertiaire, également connu sous le nom de dispositif Éco Énergie Tertiaire, est une réglementation française issue de la loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) promulguée en 2018. Entré en vigueur le 1er octobre 2019, ce décret impose des objectifs ambitieux de réduction des consommations énergétiques pour les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m².

Il s’inscrit dans la stratégie nationale française pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, en ligne avec les engagements climatiques de l’Accord de Paris.

Cet article détaille les contours du Décret Tertiaire, ses objectifs, ses obligations, et son impact sur les acteurs du secteur tertiaire.

Qu’est-ce que le Décret Tertiaire ?

Le Décret Tertiaire est un texte réglementaire qui oblige les propriétaires et les exploitants de bâtiments tertiaires (publics ou privés) à réduire leurs consommations énergétiques de manière progressive et mesurable. Il concerne les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire (bureaux, commerces, établissements d’enseignement, hôpitaux, hôtels, entrepôts logistiques, etc.) dont la surface de plancher est supérieure ou égale à 1 000 m².


Cette mesure vise à accélérer la transition énergétique du parc immobilier tertiaire, qui représente une part significative des émissions de gaz à effet de serre en France.
Le décret s’appuie sur deux piliers principaux :

  1. La réduction des consommations énergétiques par rapport à une année de référence.
  2. L’amélioration de la performance énergétique globale des bâtiments, en tenant compte des spécificités de chaque activité tertiaire.

Objectifs du décret tertiaire :

Le Décret Tertiaire fixe des objectifs de réduction des consommations énergétiques finales à trois échéances clés :

  • 2030 : Réduction de 40 % par rapport à une année de référence choisie (postérieure à 2010).
  • 2040 : Réduction de 50 %.
  • 2050 : Réduction de 60 %.

Ces objectifs peuvent être atteints selon deux approches :

  1. En pourcentage relatif : Comparer les consommations annuelles à celles de l’année de référence (choisie entre 2010 et 2019, ajustée pour tenir compte des variations climatiques et des niveaux d’activité).
  2. En valeur absolue : Atteindre un seuil de consommation énergétique défini pour chaque catégorie de bâtiment (exprimé en kWh/m²/an), en fonction de son usage (bureaux, commerces, enseignement, etc.).

Ces cibles s’appliquent à l’ensemble des consommations énergétiques du bâtiment, incluant le chauffage, la climatisation, la ventilation, l’éclairage, et les usages spécifiques liés à l’activité tertiaire.

Qui est concerné ?

Quelles personnes ?

Le Décret Tertiaire s’adresse à :

  • Les propriétaires de bâtiments tertiaires (publics ou privés).
  • Les preneurs à bail (locataires) lorsque ceux-ci sont responsables de la gestion énergétique du bâtiment.
  • Les gestionnaires d’ensembles immobiliers comprenant des bâtiments à usage tertiaire.

Quels bâtiments ?

Sont concernés :

  • Les bâtiments entiers dédiés à une activité tertiaire.
  • Les parties de bâtiments à usage mixte (par exemple, des bureaux dans un immeuble résidentiel) si la surface tertiaire dépasse 1 000 m².
  • Les ensembles de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site, dès lors que la surface cumulée dédiée au tertiaire atteint ou dépasse 1 000 m².


Exceptions : Certains bâtiments sont exemptés, comme les constructions provisoires, les lieux de culte, les bâtiments de défense ou de sécurité nationale, et ceux destinés à des activités agricoles ou industrielles.

Obligations et mise en oeuvre pour se conformer

Pour se conformer au Décret Tertiaire, les acteurs concernés doivent respecter plusieurs étapes clés :

  1. Déclaration sur la plateforme OPERAT :
    • La plateforme OPERAT (Observatoire de la Performance Énergétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire), gérée par l’ADEME, est l’outil officiel pour déclarer les données de consommation énergétique.
    • Les gestionnaires doivent transmettre chaque année, avant le 30 septembre, les données de consommation énergétique de l’année précédente, ainsi que l’année de référence choisie.
    • La première déclaration, initialement prévue pour 2021, a été reportée au 30 septembre 2022 en raison de la crise sanitaire.
  2. Établissement d’une année de référence :
    • Une année de référence (postérieure à 2010) doit être choisie pour servir de base de comparaison. Cette année doit refléter une activité représentative du bâtiment.
    • Les consommations doivent être ajustées pour tenir compte des variations climatiques (degrés-jours unifiés) et des niveaux d’occupation.
  3. Mise en place d’un plan d’action :
    • Les gestionnaires doivent élaborer un programme de travaux ou d’actions pour atteindre les objectifs fixés. Cela peut inclure :
      • L’amélioration de l’isolation thermique de l’enveloppe du bâtiment (murs, toitures, vitrages).
      • L’optimisation des systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVC).
      • L’installation de systèmes de gestion énergétique (GTB).
      • La sensibilisation des occupants à des pratiques éco-responsables.
  4. Suivi et reporting :
    • Les progrès doivent être suivis et rapportés annuellement via OPERAT.
    • En cas de non-respect des obligations, des sanctions peuvent être appliquées, telles que des amendes ou la publication du nom des contrevenants sur un site public (« Name and Shame »).

Dérogation et modulations

Le Décret Tertiaire prévoit des possibilités de modulation des objectifs dans certains cas :

  • Contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales : Par exemple, pour les bâtiments classés monuments historiques où des travaux d’isolation lourde sont impossibles.
  • Coût économique excessif : Si les travaux nécessaires entraînent un temps de retour sur investissement déraisonnable.
  • Changement d’usage ou de destination : Si le bâtiment change d’activité tertiaire ou est reconverti à un autre usage.

Ces dérogations doivent être justifiées auprès des autorités compétentes et soumises via la plateforme OPERAT.

Implications pour les acteurs du tertiaire

Le Décret Tertiaire a des implications majeures pour les propriétaires, locataires et gestionnaires de bâtiments :

  • Investissements dans la rénovation énergétique : Les travaux d’amélioration (isolation, remplacement de systèmes énergétiques, etc.) nécessitent des budgets conséquents, mais des aides financières comme les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), les subventions de l’ADEME ou des collectivités locales peuvent alléger les coûts.
  • Valorisation immobilière : Un bâtiment conforme au Décret Tertiaire gagne en attractivité sur le marché immobilier, avec une meilleure performance énergétique et un confort accru pour les occupants.
  • Responsabilité partagée : Dans le cas de baux, propriétaires et locataires doivent collaborer pour répartir les responsabilités (par exemple, via des clauses dans les baux commerciaux).